QUAND, au retour du bal, elle laissa fléchir
Dans le fauteuil ancien sa grâce maladive,
Sa bouche en souriant fit entendre un soupir.
Les roses s’effeuillaient sur sa tête pensive,
Où murmurait encor l’âme des violons.
Son pied avait parfois un spasme mélodique ;
Le mouchoir de dentelle au bout de ses doigts longs
Glissait ; et sur les bras du fauteuil héraldique
Ses bras minces et chauds s’étendaient mollement ;
Nus, ils laissaient glisser le fragile corsage,
Et sur le sein, après chaque soulèvement,
L’ombre où meurent les fleurs se creusait davantage
Dans sa chair, d’un blanc mat comme le camélia.
Mais, me tendant ses bras, lianes odorantes,
Lentement sur mon col, douce, elle les lia,
Et soupira : Toujours ! de ses lèvres mourantes.
Sur sa tête d’enfant penchée au poids des fleurs,
Le dossier droit et haut montait lourd de ténèbres,
Et là, debout, pleins d’ombre et de vagues lueurs,
Les griffons lampassés prenaient des airs funèbres ;
Car sans doute ils songeaient, sous leur vieux front plissé,
A tout ce qu’avaient vu jadis leurs yeux de chêne,
Aux bras évanouis des nuits du temps passé
Qui tous voulaient jeter une éternelle chaîne,
Insensés ! sur le col docile de l’aimé,
Ne sachant pas qu’au fond des cryptes ténébreuses,
Tout seuls, pliés en croix sur le sein accalmé,
Ils s’en iraient où vont les bras des amoureuses.
Car les griffons, debout sur le cimier ducal.
Graves et vieux témoins de nos brèves chimères,
S’étaient enfin lassés d’entendre, après le bal,
Les serments éternels des bouches éphémères.