La dernière image



Pas un de ses cheveux, pas un pli
de sa robe ne bougeait.

Charles Dickens.




PAR un matin d’hiver aux âpretés sereines,
L’enfant dans la carriole est monté tout pensif.
Le voiturier a bu du gin ; il prend les rênes,
Et la blanche jument renâcle dans l’air vif.

L’écolier va rentrer dans la demeure noire
D’encre, de châtiments, de grilles et d’ennui :
Le cœur gros, il rappelle en sa tendre mémoire
Que tout, où l’on le mène, est étranger pour lui.

Sur la vitre abaissée il s’accoude et se penche,
Méditant plein d’effroi l’exil déjà subi :
Il voit, sur le perron, sa mère en robe blanche,
Élevant dans ses bras son tout petit baby.

Et le fouet du départ a claqué ; jeune et pâle,
La mère a prolongé son doux geste d’adieu.
De son sein, dirait-on, nul souffle ne s’exhale :
Rien n’a fait vaciller son regard fixe et bleu ;

Pas un pli n’a tremblé de sa robe légère ;
Son teint pâle, son teint changeant n’a pas changé,
Et sur sa tête nue, à l’exilé si chère.
Pas un seul des cheveux blonds et fins n’a bougé.

Son enfant ne doit plus la revoir en ce monde ;
Mais après cet adieu simple et mystérieux,
Certe ! il emporte d’elle une image profonde,
Calme, et faite pour vivre à jamais dans ses yeux.