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A CELIMENE
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Quand chacun gémit troublé près de vous,
Vous vous indignez de me voir paisible,
Et vous aimeriez me savoir jaloux,
Triste et maheureux, plutôt qu'insensible.
Si votre regard cherche ainsi le mien,
Ce n'est point l'effet d'une préférence.
Vous m'estimez moins, je le sais trop bien,
Que ceux avec qui l'on rit et l'on danse.
Mais, une voix manque au choeur triomphal
Qui va, proclamant vos succès, vos charmes,
Et, je suis pour vous un orgueil brutal
Qui ne consent pas à rendre les armes.
Cela pique au jeu votre vanité.
Mais ce grand dépit se fait trop connaître ;
Si j'étais méchant ou fat éventé,
J'en profiterais pour vous compromettre.
Même ce serait un sort assez doux,
Sans rien publier, sans rien vous en dire,
Que d'avoir ainsi, vivant près de vous.
Toujours un regard, toujours un sourire.
Mais, je suis bizarre et ne fais nul cas,
Quel qu'en soit le prix, quel qu'en soit le charme,
De ce qui, pour moi, du coeur rie vient pas,
Tandis qu'un mot vrai soudain me désarme.
Ce mot viendra-t-il ? voilà fort longtemps
Que, plus d'une fois, j'aurais dû l'entendre.
De si longs délais sont très-imprudents;
On cesse de croire à force d'attendre.
Quand même il viendrait, je n'en voudrais plus.
Dispensez-vous donc, je vous le répète,
D'efforts bien charmants, mais bien superflus,
Pour m'envelopper dans votre conquête.