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CONSOLATION A UN AMI
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Elle avait des volants... Elle s'est envolée !
N'est-ce pas pour voler que l'on a des volants ?
Le gourmet devant qui passe un plat d'ortolans
N'a pas, autant que toi, la mine désolée.
Quoi de plus naturel ? elle s'est envolée,
Parce qu'elle avait des volants.
Etaient-ils de satin ? étaient-ils de dentelle ?
Aplatis ou bouffants ? Sur le bord, étaient-ils
Unis ou festonnés?... Commentaires subtils
Pour lesquels vainement tu creuses ta cervelle.
En avait-elle quatre? en avait-elle trois?
Les portait-elle, enfin, larges ou bien étroits?...
Pourquoi t'en enquérir ? qu'importe ? Toute belle
Peut avoir des volants de soie ou de dentelle.
Pourvu qu'un fat, un sot (et le nombre en est grand)
A son changeant caprice ouvre un compte-courant.
Ce que toutes n'ont pas, c'est, femme ou jeune fille,
Une dignité douce, une âme sans détour,
Un langage où l'esprit à propos toujours brille,
Un regard qui promet le honneur dans l'amour.
Avait-elle cela?... Des folles, voulant rire,
Pour te faire enrager, auront pu te le dire;
Mais, des propos de femme il faut se méfier
Et ne croire qu'autant qu'on peut vérifier.
Rester-là, comme un ours qui piétine sa cage,
N'est un rôle amusant, spirituel ni sage.
Chasse donc, mon ami (qu'ils soient bleus, roses, blancs,
Qu'ils s'étalent par triple ou par quadruple étage,
Unis ou festonnés, qu'ils soient plats ou bouffants),
Chasse de ton esprit, de ton cœur ces volants !
Puisqu'ils ont, quatre fois, salué ta portière
Et de ton escalier balayé la poussière,
Ils ne doivent orner pas grand'chose (entre nous).
La femme dont le charme est vraiment noble et doux
Ne vient pas, à toute heure et quatre fois de suite,
Sans se faire annoncer, prodiguer sa visite.