« — Vous m'avez fait un mauvais jour !
J'en suis ravi. — Vraiment ? vous l'êtes !
Pourquoi donc ? — Parce que l'amour
Est plus doux après les tempêtes.
— Monsieur, nous sommes mariés ;
— C'est moins piquant, mais c'est plus sage.
Or, l'amour n'a (vous l'oubliez)
Rien à voir dans le mariage.
— Un jour chagrin me donnera
Le droit d'en rendre deux ; par d'autres
Vous répondrez, et l'on verra
Qu'un des miens vaut seul tous les vôtres.
Piqués au jeu nous bouderons.
Ailleurs nous chercherons fortune ;
Puis, quelque soir, nous reviendrons
Ajouter du miel à la lune.
Nous connaîtrons, à nos dépens,
Que le bonheur est chose rare ;
Qu'au lieu de le jeter aux vents,
Il faut savoir en être avare.
Vouloir tout ce qu'on a rêvé,
A la déception nous mène ;
Heureux si nous avons trouvé
Un cœur loyal qui nous comprenne !
C'est imprudence et déraison
Que d'aller, gaspillant sa vie,
Tandis qu'on a...— Votre sermon
Est éloquent, mais il m'ennuie,
Voici l'heure d'aller au bal.
— Au bal ! Pourquoi?—Pour vous apprendre
Que nous sommes en carnaval
Et qu'il ne faut pas ainsi prendre
Au sérieux tout ce qu'on fait,
Quand vous savez bien qu'on vous aime.
Venez ; le bal sera parfait.
Demain commence le carême ;
Si vous tenez à compléter
Votre morale un peu diffuse,
Demain je promets d'écouter,
Pourvu qu'aujourd'hui je m'amuse. »
On partit se serrant la main.
Le bal fut-il gai?... Je l'ignore;
Mais je sais que, le lendemain,
Leur carnaval brillait encore ;
Non pas celui dont les grelots
Sont enterrés par le carême ;
Celui qui parle à demi-mots
Et qui dure... tant que l'on s'aime.