Le béril

« Ces riches diamants et ces pierres si belles
Ont, dit-on, un prestige et des charmes plus doux
Que leurs brillantes étincelles ;
Ces pouvoirs les connaissez-vous?»

Abandonnant son âme aux vagues rêveries,
Sur un écrin ouvert s'inclinant à demi,
Ainsi, les doigts errants parmi des pierreries,
Nella parlait à son ami.

Et celui qu'elle aimait répondit : « Ces vains charmes
Sont pour les yeux noyés de larmes,
Pour les coeurs navrés de douleurs,
Et non pour les lèvres rieuses
Ou les natures gracieuses
Qui ne connaissent point les pleurs.

» Des périls la turquoise garde :
Mais, sur la route qu'il regarde,
Votre oeil ne voit aucun danger.
L'onyx apaise les colères ;
Et les vôtres sont si légères
Que l'on voudrait les prolonger !

» Ces beaux grenats donnent la joie:
Près de vous tout front la déploie
Mieux que grenats et diamants ;
Ce rubis des pénibles songes
Chasse les funèbres mensonges ;
Mais, tous vos rêves sont charmants.

» L'agate donne de l'éloquence
Et les grâces et la prudence ;
L'émeraude fait souvenir :
En vous tout est charme et caresses ;
Et, le passé de vos tendresses
Les garantit pour l'avenir.

— Et celle qui, là-bas, si douce
Des teintes pâles de la mousse
Paraît à peine s'animer ?—
C'est... oh ! de toutes la dernière
Que doit chercher votre paupière,
C'est le béril qui fait aimer. »

Et la dame s'émut; sa tête éblouissante
Sur un bras accoudé se pencha languissante ;
De son œil plus rêveur frémit le beau sourcil,
Et son doigt se posa sur le tendre-béril.