L'amant – XXXVII

Si me tiens gay, renvoisié, plain de joye,
Cause ay pour quoy, car dame ay, belle et bonne,
Qui son vray cueur, ce dist elle, me donne.
C'est riche don que vraie amour m'envoye,
Sienne mercis, car se j'estoye sire
De tout le mond, me devroit il souffire
D'elle estre amez, car c'est la souveraine
Des tres meilleurs, nulle autre ne la passe,
C'est mon tresor, ma deesse mondaine,
N'oncques ne vy chose que tant amasse.

Et, quant present elle suis, tant m'esjoye
Son tres plaisant regart qu'il n'est personne
Qui le pensast, et s'elle m'araisonne,
Son doulx parler et sa maniere coye,
Son tres biau corps, son vis, son tres doulx rire,
Son gentil port, son maintien, a tout dire
Tant m'agreent qu'il n'est douleur ne peine
Qui me peüst grever en cel espace.
Lors mon regart de s'i mirer se peine,
N'oncques ne vy chose que tant amasse.

Hé ! Dieux me doint tenir chemin et voye
Tel qu'a tousjours elle, a qui m'abandonne,
M'ayme ensement ; si aray la couronne
Des eüreux amans qu'Amours resjoye.
Puis qu'a ami il lui plaist moy eslire,
N'ay je pas dont tout quanque je desire ?
Que me fault il, mais que Dieu la lait saine ?
J'ay tout acquis puis que suis en sa grace
S'en suis plus liez que Paaris n'iert d'Helaine
N'oncques ne vy chose que tant amasse.

Ha ! Doulce fleur, ma princesse haultaine,
Aimez moy bien, d'amour qui ja ne passe,
Car plus vous ayme que moy, chose est certaine,
N'oncques ne vy chose que tant amasse.

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Si gai me tiens, réjoui, plein de joie,
La raison en est que j'ai dame belle et bonne,
Qui son vrai cœur, dit-elle, me donne.
C'est riche don que l'amour vrai m'envoie.
A lui mille mercis, car si j'étais le sire
De tout le monde, il me devrait suffire
D'être aimé d'elle, car elle est la souveraine
De toutes les meilleures, aucune ne la passe,
Elle est mon trésor, ma déesse en ce monde,
Jamais ne vis chose qu'autant j'aimasse.

Et quand près d'elle suis, tant m'éjouis
Son très plaisant regard, qu'il n'est personne
Qui le pensât, et si elle m'interpelle,
Son doux parler et sa manière discrète,
Son très beau corps, son visage, son très doux rire,
Son noble port, son maintien, à tout dire
Tant m'agréent qu'il n'est douleur ni peine
Qui ne peuvent me nuire en ce lieu,
Lors mon regard de s'y mirer s'efforce,
Jamais ne vis chose qu'autant j'aimasse.

Hé ! Dieux me montre quel chemin tenir et voir
Tel qu'a toujours elle, à laquelle m'abandonne,
M'aime également ; oui j'aurai la couronne
Des heureux amants qu'Amour réjouit.
Puisqu'à ami il lui plaît de m'élire,
N'ai-je donc pas tout ce que je désire ?
Que me faut-il, sinon que Dieu la laisse saine ?
J'ai tout acquis puisqu'en sa grâce suis
Lui étant plus lié que Pâris fut d'Hélène,
Jamais ne vis chose qu'autant j'aimasse.

Ha ! Douce fleur, ma princesse hautaine,
Aimez-moi bien d'amour qui jamais ne passe,
Car plus que moi vous aime, la chose en est certaine,
Jamais ne vis chose qu'autant j'aimasse.